Un référent taxonomique de l’association AntArea nous informe de la présence de la Petite fourmi de feu ou Fourmi électrique (Wasmannia auropunctata) en métropole dans le Var en août 2022. Cet insecte originaire d’Amérique du Sud, figure parmi les espèces exotiques envahissantes les plus problématiques au niveau mondial (IUCN Global invasive species database).

Comment la reconnaitre ?

Les ouvrières sont reconnaissables à leur petite taille d’environ 1,2 mm de long et leur couleur brun-orangé. Les individus sexués possèdent des ailes au début de leur vie qu’ils vont ensuite perdre. Ils sont plus foncés que les ouvrières et mesurent environ 4,5 mm de longueur.

fourmi feu

Wasmannia auropunctata – Specimen: CASENT0039797 (gauche) & CASENT0102747 (droite) ©AntWeb. Version 8.81. California Academy of Science

La Petite fourmi de feu est une espèce opportuniste et polyphage, c’est-à-dire qu’elle consomme des invertébrés, des graines et d’autres matières végétales.

Les ouvrières sont très agressives envers les autres espèces de fourmis et lorsqu’elles envahissent un nouveau territoire elles sont capables de les exclure complètement. Les nids sont interconnectés en réseau et installés dans tous types de substrat au sol et dans les arbres : sous des feuilles, des pierres, dans le sol ou des creux de branches, etc. Les colonies sont très mobiles et peuvent se déplacer si elles sont perturbées.

Reproduction

Le système de reproduction de la Petite fourmi de feu est unique dans le monde animal. Cette fourmi a deux types de système de reproduction : 1) une reproduction clonale dans lesquelles les mâles et les femelles se reproduisent par clonage ; et 2) la reproduction sexuelle classique rencontrée chez les insectes. Les populations clonales sont principalement associées aux habitats humains ou semi-naturels, alors que les populations sexuelles se rencontrent dans les habitats naturels. La clonalité serait responsable de la capacité à coloniser et à persister dans des environnements extrêmes ou des habitats fortement modifiés.

Vecteurs d’introduction

En raison de son association étroite avec les humains pour sa dispersion, la Petite fourmi de feu est considérée comme l’une des espèces classiques de fourmis vagabondes. Elle est très facilement dispersée par le transport de plantes ou de déchets verts.

Le succès de cette espèce en tant qu’envahisseur est associé à sa polyphagie, à son comportement opportuniste, au choix de la stratégie reproductive (reproduction sexuée ou clonale), à sa capacité à s’approprier toutes les ressources d’un environnement et à son organisation sociale unicoloniale dans laquelle les individus de différents nids se mélangent librement, formant une grande supercolonie très compétitive. (Hervé Jourdan, IRD Nouvelle-Calédonie)

Quels sont les impacts de la Petite fourmi de feu ? 

La Petite fourmi de feu est considérée comme l’une des espèces exotiques envahissantes les plus répandues sur la planète. Elle a colonisé presque tous les continents et engendre des impacts écologiques, économiques et sanitaires indéniables. Figurant sur la liste de l’UICN des 100 espèces les plus envahissantes au monde, elle est identifiée comme présentant de tels risques majeurs pour l’Union Européenne.

Sur la santé humaine

Les piqûres sont très irritantes et peuvent causer diverses réactions allant de démangeaisons douloureuses qui peuvent durer plus d’une heure à de larges cloques. Des sujets sensibles peuvent développer des phénomènes allergiques tels qu’une hypersensibilisation à la piqûre allant jusqu’aux chocs anaphylactique.

Sur la santé de l’environnement

Ses impacts sur la faune concernent les invertébrés mais aussi les vertébrés (reptiles, oiseaux, mammifères) et peuvent être directs, par prédation, et indirects par compétition ou en favorisant des insectes suceurs de sève sur les végétaux (tel que les pucerons). L’ensemble des autres populations d’insectes peut être affecté par l’invasion de la Petite fourmi de feu et, d’une manière générale, les ressources alimentaires disponibles sont modifiées et la chaîne trophique est déséquilibrée.

Les animaux domestiques tels que les chiens et les chats sont également affectés. Des piqûres répétées de cette fourmi peuvent provoquer l’altération de la vue et des cas de kératopathie ont été observés à Tahiti chez les chats et les chiens vivant à son contact.

Sur le plan économique

Une étude récente a évalué son coût économique global à près de 20 milliards de dollars. La Petite fourmi de feu peut élever des cochenilles ou des pucerons sur des arbres fruitiers. Elle les protège de leurs parasites et prédateurs et se nourrit ainsi du miellat qu’ils produisent. Cet élevage d’insectes piqueurs suceurs se nourrissant de sève peut conduire à la mort de certains plants avec une perte économique conséquente.

Où se trouve la Petite fourmi de feu ?

Originaire d’Amérique Centrale et du Sud, Wasmannia auropunctata a été introduite dans certaines parties de l’Afrique, du Moyen-Orient (Israël), de l’Europe (Espagne), de l’Amérique du Nord (dont le Canada) et de l’Amérique du Sud. Elle a également été introduite dans des îles des Caraïbes et de l’océan Pacifique (dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française).

carte fourmi

Répartition mondiale de Wasmannia auropunctata. (Source : antmaps.org)

A ce jour, la Petite fourmi de feu est connue pour avoir établi des populations uniquement dans le sud de l’Espagne, dans la région de Malaga. La zone infestée a un périmètre de 1,2 km et couvre une surface de 5,8 ha. Bien qu’un certain nombre d’autres espèces de fourmis indigènes soient trouvées autour de cette zone infestée, aucune espèce de fourmis indigènes n’est y détectée à l’intérieur.

Premiers signalements français :

Des individus ont été récoltés cet été dans le jardin d’une résidence à Toulon, en front de mer. L’identification a été confirmée en août 2022 par Christophe Galkowski, référent taxonomique de l’association AntArea (http://antarea.fr/fourmi/). A ce jour, une zone d’environ 1ha a été localisée mais il est probable que d’autres zones soient déjà envahies. En effet, la taille de cette zone et la densité d’ouvrières rencontrées lors des deux prospections réalisées depuis suggèrent une présence de l’espèce depuis quelques années. Les services de l’État, de l’Office français de la biodiversité (OFB) et de l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale (UMR IMBE) sont mobilisés pour confirmer l’ampleur des nids et de la propagation in situ de cette espèce, et pour déterminer l’origine de son introduction.

Côté règlementation :

Wasmannia auropunctata figure sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union Européenne (règlement d’exécution (UE) 2022/1203). Son introduction sur le territoire, y compris le transit sous surveillance douanière, l’introduction dans le milieu naturel, détention, transport, colportage, utilisation, échange, mise en vente, vente ou achat de spécimens sont donc interdits au sein de l’Union européenne. Un arrêté est en cours de publication pour la métropole. La mise en place rapide d’un plan d’éradication ou de gestion de l’espèce est obligatoire.

Une délimitation précise de la zone d’invasion doit être réalisée très prochainement. C’est un prérequis pour l’élaboration d’un plan d’éradication adapté dans les prochaines semaines. Parallèlement à cette évaluation, une information-sensibilisation des populations locales, des gestionnaires et des entreprises du paysage est en cours afin de limiter les risques de dispersion accidentelle de l’espèce.

Pour en savoir plus : visionnez la playlist du centre de ressources des espèces exotiques envahissantes.