Les forêts méditerranéennes, qui abritent de nombreuses espèces de pins et de cèdres, sont régulièrement confrontées à des invasions des chenilles de Processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa). Quelles sont, pour les arbres, les conséquences de ces pullulations ? 

Les Processionnaires du pin sont des lépidoptères dont les chenilles poilues urticantes représentant un enjeu pour la santé humaine, mais aussi pour celle de nos animaux domestiques (chiens, chats, chevaux, etc). Moins souvent évoqué, leur impact sur la santé des arbres mérite pourtant toute notre attention. En effet, il peut avoir des répercussions significatives sur l’écosystème forestier.

Pendant leur stade larvaire, les Processionnaires du pin se nourrissent des aiguilles des arbres. Dans un article scientifique paru en 2012, des chercheurs se sont intéressés à l’impact de ces défoliations sur la croissance des arbres, dans le but de mieux comprendre leurs effets à long terme et leur influence sur la capacité des forêts à séquestrer le carbone, un facteur clé dans la lutte contre le changement climatique.

Une méta-analyse pour comprendre l’impact des défoliations

Les chercheurs ont mené une étude approfondie en analysant les données de 45 études de cas, afin de comparer la croissance entre arbres défoliés et témoins.

Résultats : de lourdes conséquences sur la croissance des arbres

Les défoliations causées par les chenilles processionnaires entraînent une perte moyenne de 43 % de la croissance des arbres affectés. Les résultats montrent que plus le taux de défoliation est élevé, plus la perte de croissance est importante, atteignant environ 20 % pour des défoliations faibles (5-24 %) et près de 50 % pour des défoliations sévères (plus de 50 %). Cependant, l’effet semble se stabiliser au-delà de 50 % de défoliation (voir figure ci-dessous).

schéma conséquences défoliation des chenilles processionnaires poilu noir urticantes sur les arbres feuilles végétaux

Chenilles processionnaires : un impact différent selon l’âge des arbres

L’analyse des données révèle que les jeunes arbres connaissent des pertes de croissance plus marquées que leurs homologues plus âgés (voir figure ci-dessous).

schéma conséquences défoliation des chenilles processionnaires poilu noir urticantes sur les arbres feuilles végétaux

Ce constat est particulièrement évident dans les classes de défoliation faibles (5-24 %) et très élevées (75-100 %).

Selon l’article, les jeunes arbres sont plus touchés par les défoliations causées par les chenilles processionnaires parce qu’ils sont en phase de croissance active. Cela signifie qu’ils ont besoin de plus d’énergie pour croître et se développer, ce qui les rend plus vulnérables à la perte de feuillage. Lorsqu’ils sont défoliés, ils perdent une grande partie de leurs aiguilles, ce qui réduit leur capacité à effectuer la photosynthèse, et donc à produire l’énergie nécessaire pour continuer à croître. En comparaison, les arbres plus âgés ont déjà atteint une taille plus stable et dépendent moins de la production rapide de biomasse. Leur système racinaire, plus développé, leur confère une meilleure résistance aux perturbations.

Vers une meilleure gestion des forêts face aux défoliations

Ces pertes de croissance sont particulièrement préoccupantes dans le contexte du changement climatique, car elles peuvent diminuer la capacité des forêts à séquestrer le carbone. En effet, lorsque la croissance des arbres ralentit, leur capacité à absorber et à stocker le dioxyde de carbone (CO2) diminue, ce qui pourrait aggraver les effets du réchauffement climatique.

Les résultats de cette étude soulignent l’importance d’intégrer l’impact des défoliations dans les modèles de gestion forestière, notamment dans les régions où la chenille processionnaire est répandue. Les chercheurs recommandent de surveiller attentivement les populations de chenilles processionnaires et de développer des stratégies de contrôle adaptées pour limiter leur impact sur les forêts.

Source

Jacquet, J. S., Orazio, C., & Jactel, H. (2012). Defoliation by processionary moth significantly reduces tree growth: a quantitative review. Annals of forest science69, 857-866. https://doi.org/10.1007/s13595-012-0209-0