Description et Biologie

Le poisson-ballon à joues argentées (Lagocephalus sceleratus) appartient à la famille des Tetraodontidés. Reconnaissable à son corps allongé, dépourvu d’écailles, il présente une teinte gris argenté sur le dos et blanche sur le ventre. Lorsqu’il se sent menacé, il est capable de se gonfler d’eau ou d’air, prenant ainsi la forme d’un ballon — d’où son nom commun.

Carnivore, L. sceleratus possède des dents fusionnées formant une plaque dure, lui permettant de broyer aisément les coquillages et crustacés dont il se nourrit. Il peut atteindre jusqu’à 110 cm de long et peser jusqu’à 7 kg.

Le poisson-ballon à joues argentées Lagocephalus sceleratus (Gmelin, 1789) A vue latérale B vue latérale « gonflée » (dessins originaux de Marc Dando).

Répartition et Habitat

Originaire de la mer Rouge et de l’océan Indien, le poisson-ballon à joues argentées a colonisé la Méditerranée via le canal de Suez, dans le cadre d’un processus de migration appelé migration lessepsienne — un phénomène également observé chez d’autres espèces comme les poissons-lapins ou les poissons-lions.

Il s’est rapidement répandu en Méditerranée orientale, où il est considéré comme une espèce invasive. Il a été signalé dans plusieurs pays : Turquie, Grèce, Chypre, Italie, Espagne… et de manière plus ponctuelle sur les côtes françaises, comme dans l’Aude en 2014. Il fréquente principalement les fonds sableux et les prairies sous-marines, à des profondeurs allant de quelques mètres jusqu’à plus de 100 mètres.

Données de présence de Lagocephalus sceleratus en mer Adriatique. 2012 = Sulić-Šprem et al. (2014) ; 2013 = Dulčić et al. (2014) ; 2014 = Carbonara et al. (2017) ; 2019 = Kousteni et al. (2019) ; 2024 = étude actuellement rapportée (Carte de base : contributeurs d’OpenStreetMap 2024, mise en forme dans QGIS).

Le genre Lagocephalus

Quatre espèces du genre Lagocephalus sont aujourd’hui présentes en Méditerranée :

  • Lagocephalus lagocephalus : seule espèce autochtone.

  • L. spadiceus, L. suezensis et L. sceleratus : toutes trois introduites depuis la mer Rouge par le canal de Suez.

Info en plus :

En 2019, des L. lagocephalus ont été capturés en Bretagne. Rarement observée en Manche, cette espèce pourrait être en train d’étendre son aire de répartition vers le nord.

Risques Sanitaires

Le poisson-ballon est porteur de tétrodotoxine, une neurotoxine puissante, thermostable (résistante à la cuisson) et hydrosoluble. Probablement produite par des bactéries symbiotiques, cette toxine s’accumule dans plusieurs organes : gonades, tube digestif, foie, peau, et parfois chair.

Sa consommation peut entraîner de graves intoxications, avec des symptômes allant des picotements autour de la bouche à la paralysie, en passant par des nausées, des vomissements ou des troubles neurologiques. Dans les cas les plus graves, la toxine peut provoquer une insuffisance respiratoire mortelle. Aucun antidote n’existe à ce jour ; seule une prise en charge médicale rapide permet d’éviter une issue fatale.

Des cas d’intoxication sont régulièrement signalés en Afrique de l’Est et en Asie du Sud-Est. En Méditerranée, les premiers cas recensés remontent aux années 2000 en Israël et au Liban, principalement chez des pêcheurs amateurs.

Au-delà du risque alimentaire, ce poisson présente également un danger direct lors de la manipulation. Une morsure peut occasionner des blessures sérieuses, et le contact avec les tissus contenant de la toxine peut exposer les pêcheurs ou baigneurs.

Le manque d’information sur les risques associés à cette espèce, notamment en France, représente un enjeu important en matière de santé publique. C’est pourquoi le règlement européen 854/2004 interdit la mise sur le marché des poissons de la famille des Tetraodontidés.

Conclusion

La prolifération du poisson-ballon Lagocephalus sceleratus en Méditerranée soulève des inquiétudes croissantes. Outre ses impacts sur la biodiversité et les écosystèmes locaux, il menace les activités de pêche et pose de sérieux risques sanitaires.

Le réchauffement climatique favorise l’expansion de ces espèces venues de l’Indopacifique. Leur surveillance et leur gestion doivent donc constituer une priorité pour les scientifiques comme pour les gestionnaires du littoral.

Merci à notre relectrice : Coraline JABOUIN, Chargée de mission espèces exotiques envahissantes, Office français de la biodiversité

Rédaction : Alice SAMAMA, FREDON France